Au début des années 70, un appareil insolite a vu le jour avant de disparaître quelques années plus tard : le CD-4, ou Quadradisc. Mis au point par JVC et l’américain RCA Records, il arrive aux Etats-Unis en mai 1972. Il s’agit d’un type de vinyle dit « discret », une amélioration des vinyles en « matrix ». Ils ont tous deux la particularité de fonctionner en quadriphonie, ou pour faire simple : en double stéréo. Avec deux enceintes à l’avant et deux enceintes à l’arrière, le CD-4 avait pour objectif de recréer une ambiance totalement immersive pour l’auditeur.
Une installation complexe
Écouter un disque en quadriphonie, ce n’était pas une mince affaire. Bien entendu, quatre enceintes étaient nécessaires (le même modèle à l’avant qu’à l’arrière), ce qui implique également toute l’installation qui les accompagne : amplis, pré-amplis… Mais afin de pouvoir lire les CD-4, sur lesquels étaient engravées non pas deux, mais bien quatre pistes audio, une cellule phonologique spéciale était nécessaire, généralement une Shibata. Ces cellules possèdent une forme elliptique et non pas conique, offrant ainsi un plus grand contact avec les micro sillons. Elles pouvaient alors lire des fréquences bien au-delà des capacités d’écoute humaines, pourtant nécessaires à l’encodage des quatre pistes. Et même avec tout ça, il restait encore à trouver des vinyles enregistrés en quadriphonie…
Le quadriphonie au-delà du CD-4
En dehors de l’écoute privée, d’autres types d’utilisation ont été envisagés. Quelques stations de radio ont ponctuellement tenté d’utiliser ce système en binôme. En utilisant deux postes, chacun diffusant l’une des deux stations de radio participantes (l’un derrière, l’autre devant), on pouvait écouter une chanson en quadriphonie. Mais c’est surtout le groupe Pink Floyd qui a utilisé ce système de façon très innovante. S’ils ont enregistré trois albums en CD-4 (Atom Heart Mother, The Dark Side Of The Moon et Wish You Were Here), ils ont surtout révolutionné l’utilisation du son en concert à l’aide d’un étrange appareil : l’Azimuth Co-ordinator.
En positionnant des enceintes aux quatre coins de la salle de concert, le groupe avait la possibilité de faire voyager le son tout autour du public. C’est le claviériste, Rick Wright, qui opérait la manette de l’Azimuth Co-ordinator. En l’orientant dans une direction, il dirigeait le son en direct dans les différentes enceintes de la salle. Il l’utilise d’abord pour les bruitages (chants d’oiseaux, bips électroniques…), puis y ajoute deuxième manette pour les sons de l’orgue. Inspiré par la stéréo et l’ancêtre du CD-4, la quadriphonie dite « matrix », le groupe l’utilise dès 1967 ! Mais Pink Floyd abandonne finalement le projet, incompatible avec certaines salles de concert ; l’Azimuth Co-ordinator est récupéré par le Victoria and Albert Museum, où il peut encore être vu aujourd’hui.
Alors pourquoi ça n’a pas marché ?
Si le CD-4 a permis de nombreuses avancées technologiques sur les vinyles, comme un son moins distordu, une lecture d’une plus grande gamme de fréquences ou des matériaux plus résistants, il a rapidement disparu, sa production arrêtée en 1976. L’installation de quadriphonie chez le consommateur était tout simplement trop coûteuse et trop compliquée : le prix des enceintes et des systèmes capables de lire en quadriphonie était bien trop élevé par rapport au petit nombre de disques réellement enregistrés sur CD-4 à l’époque. Et même si vous en trouviez, votre système n’était compatible qu’avec les vinyles matrix ou discrets. Si les discrets (comme le CD-4) étaient de « vrais » disques en quadriphonie, enregistrés sur quatre pistes, encodés sur quatre pistes et restitués en quatre pistes (dit « 4 – 4 – 4 »), le matrix n’était encodé que sur deux pistes, puis restitué dans quatre enceintes (dit « 4 – 2 – 4 »). Autrement dit, malgré les similitudes d’installation, le système de lecture ne fonctionnait que sur l’un des deux disques quadriphoniques. On n’imagine pas qu’aujourd’hui, un même appareil puisse lire le MP3 mais pas le WAV, et inversement… La demande était trop faible, tout comme les bénéfices, et le CD-4 a fini par être oublié.
La quadriphonie existe encore
Sans même vous en rendre compte, vous vous rendez régulièrement dans des salles équipées en quadriphonie. En 1975, c’est Dolby qui commercialise un projet de son quadriphonique pour les salles de cinéma, appelé le son Surround. Et si le CD-4 n’avait pas fonctionné pour les petits consommateurs, le grand écran l’accepte immédiatement. Dès 1977, George Lucas réalise son premier film Star Wars, Un Nouvel Espoir, avec un son surround. Depuis, vous n’imaginez plus aller au cinéma sans voir le fameux logo Dolby apparaître à l’écran…