Cobra termine en beauté la Semaine du Vinyle en partant à la rencontre de Grégory, le fondateur de Squeezer, une société spécialisée dans le pressage de supports vinyle. Le temps pour moi d’aborder avec lui l’art secret (plus ou moins) de la fabrication d’un disque vinyle ainsi que le rôle d’interface de Squeezer entre les labels et l’usine de fabrication de vinyle allemande Optimal Media.
Le disque vinyle en trois étapes
La fabrication d’un disque vinyle se fait en 3 étapes bien distinctes, le Cutting, le MetalWork et pour finir le Pressage.
Commençons par le début avec le Cutting ou la gravure (en anglais ça fait plus cool). Le Cutting consiste en la gravure du signal audio sur une matrice en acétate ou en cuivre selon les méthodes employées. Lors de cette étape, ce sont des ingénieurs du son qui interviennent auparavant afin de convertir des fichiers numériques en analogiques. Et autant vous dire que la tache n’est pas simple et la responsabilité assez lourde car il devra retranscrire avec précision les moindres sonorités de la partition audio lors du Mastering.
Durant cette phase, l’ingénieur devra faire face aux contraintes bien spécifiques du support vinyle que l’on retrouve essentiellement dans la restitution des fréquences extrêmes. L’ingénieur va ainsi renforcer délibérément les aigus pour qu’il ne soient pas relayés en bruit de fond et maîtriser le grave afin d’éviter un effet stéréo lors de l’écoute. Une activité d’orfèvre qui a créer des vocations à l’époque.
C’est seulement après le Mastering que la gravure des microsillons débutera. C’est aussi à cette étape que l’on décide de la vitesse de lecture du disque entre le 33 tours et le 45 tours. Après la gravure, L’ingénieur contrôlera au microscope les sillons pour vérifier qu’aucun ne se touchent et il apposera sur la matrice ses initiales ou une annotation à l’aide d’un poinçon. Inscription que l’on retrouvera sur toutes les copies de vinyles réalisées à partir de cette matrice car il n’y a pas qu’un seul artiste sur un disque vinyle.
La gravure sur laque et la méthode DMM
Deux méthodes se battent en duel en ce qui concerne la conception d’un disque vinyle. La méthode traditionnelle sur laque se fait sur une matrice en aluminium recouverte d’une fine couche de laque cellulosique. La gravure est réalisée à l’aide d’un stylet chauffant qui inscrira les microsillons sur la laque. L’inconvénient de cette méthode est que la matrice en laque est très fragile, il en faut donc plusieurs pour être certain de la qualité des tirages. Ces disques que l’on appelle test-pressing, sont ensuite contrôlés par un ingénieur du son qui vérifiera si aucune erreur n’est survenue lors de la gravure.
Le test-pressing est en général envoyé à l’artiste pour qu’il puisse écouter le résultat que l’on retrouvera sur ses futurs albums vinyles. Bien qu’il ne soit habituellement pas conservé, il arrive qu’il soit inclus dans un tirage afin de combler les stocks. Certains collectionneurs recherchent même les test-pressing originaux réputés pour leurs sonorités prétendument supérieures.
La méthode DMM, plus récente, est plus rapide et moins coûteuse que la fabrication en laque car les matrices sont réalisées directement à partir d’un master en cuivre. L’étape de galvanisation est ainsi très réduite pour aller directement vers le pressage du disque vinyle. Cependant, beaucoup de puristes trouvent que cette méthode produit des sonorités bien différentes de la méthode traditionnelle, décrivant le son comme trop dure dans les hautes fréquences et manquant de chaleur.
La Galvanisation et le pressage
La seconde étape de galvanisation ou MetalWork (en français c’est plus cool) consiste à préparer la matrice pour le pressage en lui faisant prendre un bain chimique. Pour la méthode à laque, deux bains seront nécessaires afin que le stampers soit prêt. La laque est ainsi pulvérisée d’argent et plongée dans un bain de nickel qui viendra la solidifier. Le premier bain permettra d’obtenir la matrice « Père » qui sera le négatif de l’empreinte issue de la gravure. Le second bain se fera à partir du négatif Père pour obtenir la matrice « Mère » qui, elle, sera conservée ou utilisée dans la réalisation d’un jeu de stampers. Enfin le centre du disque est percé et le surplus de matière ébarbé pour le calibrer parfaitement à la machine de pressage.
Le pressage est la dernière étape de la création d’un disque vinyle. Les stampers face A et B sont positionnés sur les mâchoires de la presse avec une quantité de polychlorure de vinyle chauffée (en fonction du poids du vinyle désiré : standard ou heavy) pour que le disque soit plus malléable lors du pressage. Les étiquettes sont posées sur la galette qui subit une pression de 100 tonnes afin d’accueillir les sillons de la matrice ainsi que les labels ou centreurs. Le disque vinyle final est découpé et contrôlé une dernière fois avant de rejoindre une platine vinyle prête à l’écoute.
Dans un soucis de qualité, on estime que sur un tirage de 300 exemplaires, les cinquantes premiers ne seront pas retenus car ne présentant pas une qualité sonore suffisante. La machine ayant besoin de chauffer avant d’effectuer son travail de manière optimale, des pertes sont toujours à prévoir lors de la production d’un disque vinyle.
Vous voici donc bien renseigné sur la fabrication des vinyles, cependant d’autres étapes plus graphiques peuvent intervenir lors de la production. Afin d’améliorer le packaging, un disque vinyle peut être habillé d’un vernis sélectif ou d’autres effets créatifs du même genre. La pochette est également un espace d’expression qui a son importance dans un objectif de représentation visuel de l’univers musical d’un artiste ou d’un label. C’est précisément cette alliance chaleureuse entre l’art graphique et la performance acoustique qui fait du vinyle un support culturel à part.
Quel est le rôle de Squeezer dans tout ça ?
Parmi les acteurs se cachant derrière la fabrication de vinyle, on retrouve ainsi Squeezer dans le rôle de l’entremetteur entre un label ou une personne individuelle et l’usine de fabrication de vinyle. Squeezer est ainsi chargé d’apporter des solutions concernant la qualité de fabrication des vinyles, les nécessités graphiques entourant l’objet final et le coût engendré par cette opération pour qu’elle soit rentable. Car oui, l’objectif est quand même de gagner un petit peu d’argent tout en gardant un profond respect pour la qualité de fabrication.
Pour Squeezer un album vinyle n’est pas seulement un disque noir à écouter, c’est aussi un objet culturel reflétant l’identité d’un label ou d’un artiste. Si le packaging vous parait futile en comparaison de l’apport sonore d’un disque vinyle, il représente pourtant une part importante de toute la symbolique entourant l’image que l’on a d’un artiste. Un groupe comme Daft Punk est reconnaissable par sa musique mais aussi par son univers graphique identifiable entre tous et qui contribue à en faire une spécificité unique au sein du paysage musical.
Vous n’êtes pas sans savoir que les artistes ne roulent pas tous dans une Porsche Cayenne décorée d’un billet de 500 euros à la place du petit sapin. La plupart n’ont pas de contrat avec un major de la musique et concrétiseront leur rêve d’album avec leurs deniers personnels. Ainsi, la réalisation d’un seul LP de 300 exemplaires peut s’avérer être la consécration d’un musicien touché un soir de printemps par une muse qui lui a donné le courage d’aller au bout de son art. Alors si vous trouvez un ami en train de s’assoupir à l’écoute d’un petit album underground réalisé par l’artiste inconnu à qui l’on devrait décerner une statue, n’hésitez pas à dire au dormeur de se RÉVEILLER !
Merci à Grégory de chez Squeezer pour les nombreuses informations et visuels en provenance d’Optimal Media qu’il m’a chaleureusement distillés. N’hésitez pas à vous rendre sur son site www.squeezer.fr pour plus d’informations concernant son activité.
Intéressant comme vous nous avez habitue
bon a savoir, merci pour ce partage