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Appareils insolites disparus #5 : le Kinétoscope (naissance de la vidéoprojection)

 

Pour le cinquième volet de notre rubrique « Appareils insolites disparus », nous avons choisi de revenir sur le plus ancien dispositif de l’histoire du cinéma : le Kinétoscope ! Décliné quelques années plus tard en un système de projection d’images de petite taille baptisé Home Projecting Kinetoscope, cet appareil de visualisation à travers un œilleton posait les bases du home cinéma et de la vidéoprojection.

 

Le Kinétoscope, à ses débuts

 

« Reproduction du mouvement par succession d’images : les prémisses du cinéma »

 

Inventé par Thomas Edison et William Dickson, et présenté pour la première fois en public en 1891, le Kinétoscope est un appareil de diffusion destiné à visualiser une œuvre photographique donnant l’illusion de reproduire un mouvement enregistré. Thomas Edison s’est tout d’abord inspiré d’un appareil conçu pour éduquer les enfants, le jouet optique, qui propose d’admirer une succession d’images représentant un corps en mouvement. Son objectif était d’étendre la durée de rotation cyclique de ce procédé à quelques minutes. Il était jusqu’à présent limitée à deux secondes !

 

Tournage d’un film au sein du Kinetographic Theater

 

« Kinétoscope + Kinétographe = un procédé à deux machines indissociable »

 

Véritable appareil de visualisation, le Kinétoscope ne peut pas être dissocié du Kinétographe. Ce dernier a pour rôle de composer un mouvement en photographiant une succession d’images. On peut facilement le qualifier de première caméra de cinéma, car il utilise un film perforé de 35 mm et un système d’avance intermittente de la pellicule par roue à rochet. Inventé par Thomas Edison, le 35 mm deviendra d’ailleurs le format standard des films de cinéma pour les cinéastes et industriels du monde entier à partir des années 1900. Grâce à un moteur asynchrone, la cadence de prise de vues du Kinétographe peut varier de 18 à 46 images par seconde. Une technique qui offre d’ores et déjà la possibilité de filmer des gestes rapides ou d’obtenir des images au ralenti.

Avec ce procédé à deux machines, Thomas Edison rêvait déjà d’apporter à l’œil ce que le Phonographe apportait à l’oreille. En effet, quelques dizaines d’années plus tôt, le célèbre inventeur avait mis au point le Phonographe, premier appareil de reproduction sonore destiné à un public amateur. Bien que cela se soit soldé par un échec, Edison pensait déjà à coupler l’enregistrement du son avec des prises de vue animées afin d’obtenir un système audiovisuel complet.

 

Croquis du Kinétoscope

 

« Invention du 35 mm et succès du Kinétoscope »

 

Adoptant l’allure d’un grand coffre en bois de pin, le Kinétoscope contient un mécanisme qui déroule un film souple de 35 mm en continu sur une surface photosensible. Un obturateur tournant à grande vitesse est déposé devant le faisceau lumineux pour obtenir l’illusion d’un mouvement enregistré. Le secteur opaque de l’obturateur rotatif est échancré afin de laisser passer un éclair qui illumine chaque image par transparence. Les perforations du film ont un impact sur la parfaite synchronisation des photogrammes avec chaque flash. Côté utilisation, le spectateur observe les images à travers un œilleton tout en entraînant le film à l’aide d’une manivelle.

Les premiers succès du procédé surviennent en 1893, lors de la première exposition publique des films enregistrés au Kinétographe. Edison avait mis en place les Kinetoscope Parlors, dans plusieurs villes des États-Unis, où il était possible de voir différents films de 30 à 60 secondes. Les spectateurs payaient un prix forfaitaire à l’entrée ou via un monnayeur installé sur les appareils. Afin de réaliser les films diffusés dans ces fameuses salles, Edison charge Dickson de construire le premier studio de l’histoire du cinéma : le Kinetographic Theater (également surnommé le Black Maria). Entre 1893 et 1895, Dickson n’y tournera pas moins de 70 films. Il devient ainsi le premier réalisateur de cinéma. Bien que les sujets de ces films soient principalement inspirés du cirque et du music-hall, ils restent divers et variés : danse, scènes de vie, sport, charme, etc. Le Kinétographe permettra d’ailleurs d’enregistrer le tout premier film sportif, un match de boxe dont chaque round a été limité à une minute pour l’occasion.

 

Une salle Kinetoscope Parlors

 

« Synchroniser l’image et le son, une idée prématurée »

 

Suite à la commercialisation mondiale de son invention, Thomas Edison tenta d’associer l’image et le son en développant le Kinétophone. La technique consistait à visionner un film sur un Kinétoscope tout en écoutant un cylindre de cire gravé, lu sur un Phonographe. Edison n’a cependant jamais réussi à synchroniser l’image et le son. Le Phonographe et le Kinétoscope devaient être démarrés simultanément, puis être arrêtés de la même manière, car aucun mécanisme ne permettait de lancer les deux à la fois.

William Dickson, qui n’était plus associé à Thomas Edison, invente un procédé sérieux capable de concurrencer le Kinétographe dès 1895. Le Mutographe, plus coûteux à la production et moins cher à mettre en œuvre, est très différent de son aîné. Chargé avec une pellicule de 70 mm et non de 35 mm, il est en mesure de fournir un négatif de meilleure qualité. Chaque image est cependant reproduite sur du papier de photographie cartonné et non sur une pellicule de cinéma. Le Mutographe permet, lui-même, d’effeuiller les tirages cartonnés un à un. Utilisant un œilleton et une manivelle, la technique de visualisation est la même de celle du Kinétoscope.

 

Mise en place d’un Kinétophone

 

« La concurrence force Edison à revoir la forme de son invention »

 

Le Mutographe résiste à l’apparition du Cinématographe, premier appareil de projection au monde développé par les Frères Lumière, et fait chuter le Kinétoscope en moins de deux ans. Largement inspiré du travail réalisé par Thomas Edison deux ans plus tôt, le Cinématographe ajoute un système de projection au principe de la machine à enregistrer des bandes image en mouvement. N’ayant pas déposé de brevets hors des États-Unis, ses concurrents français ont pu développer quelque chose de plus abouti assez rapidement.

Thomas Edison ne veut plus prendre de risque et décide de racheter les brevets d’un appareil de projection déjà existant. Il est exploité tel quel pendant quelques années sous le nom de Vitascope avant qu’il ne lance ses propres systèmes de projection baptisés Projectoscope. Avec l’évolution technologique, Edison a finalement l’opportunité de développer plusieurs appareils de projection sous l’appellation Kinétoscope jusqu’en 1910. Il crée le Projecting Kinetoscope, destiné aux salles de cinéma, ainsi que le Home Projecting Kinetoscope, spécialement conçu pour projeter des films dans un cadre familial. Utilisant une pellicule de 22 mm de large comprenant l’impression de trois films dans la largeur de la pellicule, ce dernier est le premier vidéoprojecteur home cinéma au monde. Bien que sa route fût sinueuse, le Kinétoscope de Thomas Edison aura donné naissance au cinéma dans sa globalité (avec le 35 mm) et au vidéoprojecteur dédié à une utilisation à domicile.

 

Thomas Edison et son Home Projecting Kinetoscope
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