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Un mauvais PRES(S)AGE pour le format vinyle ?

 

Le site Audioholic avait publié il y a quelques années les résultats de différents tests en aveugle opposant le vinyle à ses concurrents plus modernes, le CD bien sûr, mais aussi le format FLAC. Pour mener ce test, le site avait fait appel à un panel de gens très intéressant : on pouvait trouver deux musiciens professionnels, un guitariste talentueux, un habitué du forum Audioholic, et deux ingénieurs du son indépendants. La conclusion de l’organisateur de ce blind test, Gene DellaSala, est sans appel : « à l’issu des tests, le vinyle apparaît clairement comme un format encore viable, et je comprends pourquoi les audiophiles s’y intéressent. Il semble que beaucoup plus de soin soit accordé au processus de mastering d’un vinyle, afin d’éviter une compression excessive et les détériorations du diamant. Le talon d’Achilles du format est donc ici un avantage. Il est triste de voir que de nombreux abus ont été perpétués depuis l’aire numérique. Alors que nous avons une dynamique quasi infinie pour les médias numériques, les enregistrements sont écrasés à outrance, ce qui a pour effet de rendre leur équivalent analogique meilleur en terme de sonorité, alors qu’il est techniquement inférieur ».

C’était en 2013. Plus récemment, The Vinyl Factory s’est penché sur les ventes de vinyles qui en 2018, pourraient régresser pour la premier année depuis environ 10 ans. La raison évoquée le plus souvent est certes liée au prix (qui avouons-le est parfois abusif…), mais la vraie raison viendrait de la baisse de qualité des disques noirs. Ce dernier phénomène est attribué à l’utilisation de masters numériques pour presser les nouveaux vinyles. Dès qu’on parle de réédition, la peur s’installe : l’album sera t’il remasterisé à partir des bandes originales, ou à partir d’une source numérique de moindre qualité ? Mais il ne faut pas pour autant blâmer le master numérique : d’autres facteurs rentrent en jeu, et c’est ce que nous expliquent 3 éminents ingénieurs spécialisés dans le mastering et le pressage de vinyle.

 

  • Quelle est la différence de qualité entre un disque réalisé à partir d’une source numérique et analogique ?

 

Crispin Murray : Le numérique peut aller du PCM 16/44.1 jusqu’au 32/384. Au dessus, on a le DSD. En dessous, le MP3 et le MP4, qui peuvent aussi faire l’objet d’une conversion en PCM. Un master analogique original peut contenir des informations dépassant les 24 Bits / 96 kHz. Toutefois, de nombreux masters analogiques originaux ou endommagés ne contiennent plus autant d’informations que lors de leur création. C’est là que la copie de sécurité peut être utilisée ! Le vrai problème vient des masters gravés à partir d’un fichier 16 Bits / 44,1 kHz (un des formats pour les masters CD). Aujourd’hui, il n’y a plus aucune excuse pour ce genre de pratiques. La qualité minimale qui devrait être utilisée est le 24/96. Encore plus important, la source devrait être pensée pour le format vinyle, et ne pas être une réutilisation d’un master CD. Il n’y a rien de problématique à réaliser un master à partir d’un fichier numérique, à condition qu’il soit préparé pour le format vinyle.

Loop-O : Si effectué avec soin, avec une bonne connaissance des composants entrant dans le processus, et un respect de la musique, il n’y a pas vraiment de différence remarquable entre un vinyle réalisé à partir d’une source numérique ou analogique.

Mandy Parnell : Là où nous en sommes, l’audio numérique est vraiment bon. Lorsqu’on travaille à des fréquences de 96 kHz, les musiques sonnent vraiment bien, et la plupart des gens disent que c’est meilleur que de l’analogique. Pas de sifflement ni de distorsion ! Bien sûr, pour presser un vinyle depuis un fichier numérique, il faut impérativement le convertir en analogique. Pour cela, j’utilise une vieille console de transfert EMI VMS74, qui ajoute ensuite des harmonies en dehors de la bande de fréquence numérique. Les gens ont encore une vision romantique du format analogique… Ne vous y trompez pas, quand j’ai commencé dans la production musicale, tout se faisait sur bandes et sur vinyle. J’ai ensuite connu le début du CD et du numérique : je peux vous dire que ce qu’on a aujourd’hui est au niveau de ce qu’on pouvait avoir sur bande analogique.

 

  • C’est différent pour les rééditions non ? Ou lorsque les fichiers numériques de bonne qualité n’existent pas ?

 

Loop-O : Si vous rééditez un disque de l’ère pré-numérique, je suggère de réaliser le master à partir des bandes originales, en utilisant un équipement purement analogique. Ainsi, on obtient un résultat qui est le plus proche possible de l’édition originale. Si jamais il s’agit d’une re-masterisation, ou d’une production datant de ces 20 dernières années, je travaille à partir d’une combinaison d’outils analogiques et numériques. De cette façon, j’obtiens le meilleur des deux mondes : la texture et la profondeur du son analogique (appareils à bandes ou à tubes), ainsi que la précision et la transparence du numérique.

 

  • En matière de nouveaux enregistrements, si on a un disque pressé à partir d’un fichier numérique avec un haut débit, est-ce que les gens entendront la différence ?

 

Mandy Parnell : Cela dépend de ce que vous écoutez. Si vous avez un bon enregistrement, une bonne performance des musiciens, et un bon mix, alors tout sera transféré. En fait, je pense que les gens oublient ce que nous transférons… Qu’est ce qu’un enregistrement audio ? C’est une vue instantanée du son, et en tant qu’ingénieurs, nous devons essayer de retranscrire la vision émotionnelle de l’artiste afin de la restituer sur le disque.

Loop-O : Avec un bon master entre les mains, la qualité du disque dépendra de l’expérience et des capacités du presseur, de la transparence et des réglages des équipements, de la qualité de la gravure sur laque… Tout cela a bien plus d’importance que de savoir si le master a été réalisé  en 100% analogique !

Mandy Parnell : Je travaille sur des versions numériques, mais nous incitons les clients à utiliser des fichiers avec des débits et des taux d’échantillonnage élevés. Quand ces gens sur Discogs parlent de mauvais pressages, on devrait leur demander qui a pressé ce disque…

 

  • Donc, qu’est-ce qu’il arrive en coulisse quand les auditeurs perçoivent une moins bonne qualité sur tel ou tel vinyle ?

 

Crispin Murray : Certaines usines arnaquent leurs clients en utilisant un fichier 16 Bits/ 44,1 kHz pour represser une face qui aurait rencontré un problème. Il faut bien respecter les deadlines… Dans le pire des cas, on se retrouve avec une face du LP pressée à partir d’un DMM obtenu à partir d’un fichier 16/44,1 (format CD), et une autre face pressée à partir d’un master spécialement réalisé pour le format vinyle en 24 Bits / 96 kHz ou plus.

Mandy Parnell : Apprendre à presser un vinyle est un long processus. The Exchange affirme qu’il faut 5 ans pour apprendre à manipuler les machines, puis 5 autres années pour aiguiser ses aptitudes. Moi, j’ai 34 ans et je les aiguise toujours…

 

  • Qu’est-ce qui motive les labels et les usines à travailler ainsi ?

 

Mandy Parnell : Nous avons des ingénieurs récompensés par des Grammy Awards qui mixent une chanson pour 200£, alors qu’ils devraient être payés 3000 ou 5000£ pour ce travail. Ces ingénieurs travaillent pour presque rien car le public ne comprend plus vraiment la valeur de la musique. Le côté business pousse aussi les gens à choisir l’option la moins coûteuse…

Crispin Murray : Cela concerne des compagnies qui font des plans de 5 ans, alors qu’ils devraient plutôt penser sur 25 ans. Ils peuvent faire beaucoup d’argent en 5 ans et tuer le business, ou alors ne pas être trop gourmands sur l’instant, et faire encore plus d’argent sur 25 ans.

Sources : Audioholics, The Vinyl Factory.
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